Ce qui monte…
Après avoir fait nos recherches et déterminé le meilleur itinéraire, nous obtenons le feu vert de notre guide, l’alpiniste Olivier, qui nous confirme qu’il est possible de traverser les glaciers qui recouvrent le flanc de la montagne. Enfin, après plusieurs faux départs, un jour se lève où les conditions de neige et de météo sont parfaites – c’est notre chance !
Nous nous réveillons au lever du soleil pour faire l’ascension. La première partie n’est pas trop éprouvante – nous prenons le téléphérique du Klein Matterhorn jusqu’à 3 820 m – mais il reste encore près de 350 m de dénivelé jusqu’au sommet. Nous chaussons les crampons, nous nous encordons et je mets mon vélo sur mon dos. Les autres alpinistes nous saluent avec des signes amicaux et des regards de stupéfaction tandis que nous remontons lentement le glacier. La montée est importante car nous devons déterminer la meilleure route pour notre descente. Parmi les trois options qui s’offrent à nous, nous choisissons la ligne la plus directe car elle me permet de rouler directement depuis le sommet.
Vers l’inconnu
Lorsque nous atteignons le sommet, nous sommes surpris de nous retrouver seuls, et nous profitons du panorama spectaculaire sur les sommets enneigés. Le moment que j’attendais depuis si longtemps est arrivé. Il est temps de voir si je peux descendre la partie la plus raide de la montagne. J’enfile mon gilet pare-balles et mon casque, puis je desserre les freins. J’ai l’impression de voler en accélérant le long de la crête, le vide de 1 000 mètres sur ma droite m’aidant à rester concentré.
La section suivante, qui traverse le glacier, est plus délicate. Olivier me donne les dernières instructions et me dit d’attendre qu’il cherche le meilleur endroit pour traverser la crevasse. La pente est si raide qu’il disparaît rapidement de la vue. Heureusement, Patrick et notre vidéaste Floriane sont juste un peu plus bas et m’indiquent la ligne à suivre.
Au début, je couvre mes freins, mais la neige est idéale et je parviens à tenir ma ligne. Mon cœur qui s’emballe se calme et je commence à apprécier le moment. Une fois la partie la plus raide passée, je relâche les freins et je dévale la pente, dans une neige qui semble avoir été préparée juste pour moi – c’est tellement exaltant !
Thomas Frischknecht et Lukas Stockli ont fait cette descente il y a quelques années, mais ils l’ont fait en étant attachés par une corde. Aujourd’hui, les conditions sont si bonnes que je peux traverser le même plateau jusqu’au Klein Matterhorn, où certains membres de ma famille m’attendent. Ils ont pu assister à ma descente, et je suis heureux de pouvoir – pour une fois – partager mon expérience avec eux.
Des sensations fortes, mais pas de dérapage
De là, je slalome sur des pistes où s’entraînent plusieurs équipes nationales de ski. A Trockener Steg, 400m plus bas, je retrouve mon mécanicien, Antoine, pour un changement de roue. Il reste encore près de 2 500 m de dénivelé à parcourir, et je ne veux pas le faire avec des pointes. La température est plus chaude maintenant et de grandes dalles de roche apparaissent à travers la neige. Bien qu’il y ait encore quelques champs de neige à traverser, le chemin est bien visible et c’est un plaisir de rouler. Je vois déjà les premiers pâturages et la vallée qui mène à Viège, le dernier objectif de la journée.
Mais je ne peux pas encore me détendre, car certains tronçons en dessous de Black Lake sont raides, rocheux et au bord d’une falaise. Heureusement, à part une crevaison, je n’ai pas de contretemps. A partir de Tasch, à 1450m d’altitude, la descente est ponctuée de courtes montées. La plus difficile me fait gravir près de 200 mètres verticaux sur une pente glissante si raide que je dois pousser. Mais cela en vaut la peine car le sentier surplombe la vallée et la lumière du soir ajoute une touche de magie.
Enfin, à la fin d’une journée épique, j’arrive à Viège, où Patrick et Floriane m’attendent avec une bouteille de champagne. Je fais sauter le bouchon, au grand amusement des passants, et je célèbre une randonnée fantastique – 3 513 m de dénivelé en une journée, ça c’est du VTT !
COMMENT DESCENDRE UN GLACIER
Pour descendre la montagne en un seul morceau, nous savions que nous aurions besoin d’une neige parfaite et d’un temps favorable. La neige était notre critère le plus important. Nous ne pouvions pas rouler sur de la poudreuse fraîche – elle devait être dure mais pas glacée et la surface devait être relativement lisse. Notre première tentative a eu lieu fin mai et finalement, après trois reports, nous avons effectué la descente à la mi-juillet, en utilisant des pneus à crampons au sommet de la montagne, puis en changeant de roues pour les pentes rocheuses du bas.
QU’EST-CE QUE LE BREITHORN ?
Le Breithorn est une montagne des Alpes Pennines, à cheval sur la frontière entre la Suisse et l’Italie. Il comporte de nombreux sommets – le sommet occidental est le plus haut avec ses 4 164 m et c’est là qu’Alban a commencé sa descente – et un grand nombre de glaciers et de crevasses. La région abrite des habitants robustes : un guide de montagne, Ulrich Inderbinen, escaladait encore le Breithorn à l’âge de 95 ans. pour plus c’est ici…